Mi-septembre, Jean-Pierre Sauvage, professeur émérite de l’Université de Strasbourg, s’est vu attribuer le Grand Prix 2014 de la Fondation de la Maison de la chimie. Ce prix récompense l’ensemble d’une brillante carrière qu’il a notamment consacré à développer une catégorie très originale d'espèces moléculaires, les caténanes. Décryptage scientifique.
Si à l’horizon de ses 70 ans, Jean-Pierre Sauvage a choisi de « lever le pieds » côté recherche et de ne plus encadrer d’équipe, il n’en reste pas moins très actif au sein de la communauté scientifique. Ce qu’il aime par-dessus tout, c’est donner des conférences un peu partout en France, en Europe et dans le monde, pour expliquer en détail, à ses pairs ou à des étudiants, les résultats de ses derniers travaux de recherche. Toujours en contact avec ses anciens collaborateurs, il est également au fait de toutes les avancées récentes dans son domaine de prédilection et sait transmettre avec passion et pédagogie son savoir.
Les caténanes sont des architectures moléculaires constituées d’anneaux entrelacés. « Elles sont partout dans la nature ! Ainsi, l’ADN ou des protéines peuvent former des caténanes. Cela donne une rigidité, une structure et des fonctionnalités particulières à des sites réactionnels, illustre le professeur Sauvage. On en trouve également à la surface des enveloppes de certains virus. Cela forme une sorte de cotte de maille qui les rend à la fois flexible et solide. »
Les premiers à réussir la synthèse de caténanes
Au début des années 1980, lorsque Jean-Pierre Sauvage monte son propre laboratoire en association avec Christiane Dietrich-Buchecker et deux étudiants de thèse, ces objets sont connus des chimistes mais semblent inaccessibles et impossible à synthétiser.
Alors spécialisé dans la chimie des métaux de transition, le jeune chercheur et ses collaborateurs développent une stratégie innovante dite « template » qui leur permettra pour la première fois de générer des caténanes à l'échelle macroscopique. Au cœur de cette approche, un métal qui réagit avec deux molécules et les force à s’interpénétrer, pour former les prémices des anneaux. Deux autres molécules sont ensuite greffées aux extrémités de chaque boucle et le tour est joué. « Ensuite, en enlevant le métal, on obtenait deux anneaux entrelacés avec leur géométrie propre ! » Pour aller toujours plus loin, ils s’attèlent à la synthèse de caténanes à trois anneaux et de nœuds moléculaires.
Imiter la nature, un défi pour les chimistes
Cette approche pionnière a véritablement ouvert un nouveau domaine de recherche souvent appelé « topologie moléculaire » ! Elle a ensuite permis à Jean-Pierre Sauvage mais également à des chimistes dans le monde entier d’élaborer des interrupteurs moléculaires et de développer des systèmes moléculaires dynamiques, ce que l’on appelle des machines ou des moteurs moléculaires, dont les mouvements sont contrôlés. Le défi : comprendre et imiter la nature qui là encore regorge d’exemple de machineries moléculaires complexes que les chimistes cherchent à décrypter ! Comme les muscles ou l’ATPase, la machine à fabriquer l’ATP, notre source d’énergie, etc.
Systèmes rotatifs ou oscillants, "navette" moléculaire ou muscles artificiels à l'échelle nanométrique, sont quelques-uns des systèmes dynamiques synthétiques mis au point par Jean-Pierre Sauvage au cours de sa carrière. « Les applications potentielles sont nombreuses et variées. Ces machines moléculaires pourraient être utilisées pour le transport ciblé de médicaments vers les cellules malades dans l’organisme, ou encore en informatique moléculaire pour le stockage d’informations », conclut le professeur Sauvage.
Anne-Isabelle Bischoff
Légendes photos: en haut à droite, le professeur Jean-Pierre Sauvage, au milieu à gauche, deux anneaux entrelacés (ou caténane) d'ADN, dont les brins sont compactés (et donc rendus visibles en microscopie électronique) sous l'effet de la protéine Rec A, en bas à droite, exemple de machinerie moléculaire construite à partir d'un caténane.Le collectif d’universitaires strasbourgeois qui s'est joint au mouvement national « Sciences en marche », s'est élancé dimanche 5 octobre à 9 h 30 du parvis de la Faculté de droit de l’Université de Strasbourg. Après une allocution devant le Parlement européen, le cortège strasbourgeois a pris la direction de Saverne, via Truchtersheim et Hochfelden. Les milliers de chercheurs mobilisés rallieront tous Paris vendredi 17 octobre pour interpeller le gouvernement sur la situation de la recherche publique en France.
La sixième édition des Journées internationales d'éthique (JIE), symposium international organisé dans le but de réfléchir de manière interdisciplinaire sur des questions d’éthique posées par nos sociétés, se déroulera dans l'amphithéâtre Jean-Cavaillès de l'Université de Strasbourg du 11 au 14 mars 2015. Un appel à contributions et à posters est lancé.
L’arrivée des technologies de l’information et de la communication (TIC) a profondément modifié nos sociétés du 21e siècle. La prégnance et l’omniprésence de ces technologies déplacent nos représentations de l’humain et des relations à autrui. Tout, y compris la société, acquiert une identité numérique au cœur de réseaux multiples ouvrant la voie à des communications d’un nouveau type, privilégiant le présent, l’immédiat, l’ici et maintenant du village planétaire. La sixième édition des JIE propose alors aux personnes intéressées de travailler sur les enjeux éthiques des techniques de l’information et de la communication.
Dans le cadre des JIE, un événement est réservé aux doctorants : les Doctorales de l’éthique (DoCEth). Il se déroulera en salle Pasteur du Palais universitaire les 10 et 11 mars 2015.
L'ouvrage Les médiations de l'Europe politique, sous la direction de Philippe Aldrin, Nicolas Hubé, Caroline Ollivier-Yaniv et Jean-Michel Utard, vient de paraître aux Presses universitaires de Strasbourg.
Comment l’Europe fabrique-t-elle sa légitimité politique ? L’analyse est trop souvent réduite aux commentaires qui, après chaque scrutin européen, vitupèrent contre la « mauvaise » politique de communication de ses institutions. À rebours de cette antienne, cet ouvrage se propose d’examiner l’enracinement de l’idée européenne à travers les nombreuses médiations qui ont été historiquement construites entre l’UE et les Européens. En retraçant le genèse du « problème de l’opinion européenne », les auteurs réunis ici apportent un éclairage inédit sur la pluralité des acteurs engagés, à Bruxelles et dans les sociétés des États membres, dans la médiation de la cause européenne.
ISBN : 978-2-86820-901-6 - 372 pages - Prix : 30 eurosWiebke Kim, chercheuse au laboratoire Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe (Sage), vient de publier un livre collectif intitulé Global knowledge production in the social sciences.
Contribution innovante aux débats autour de l'internationalisation et de la mondialisation des sciences sociales, ce livre se focalise en particulier sur les reconfigurations théoriques et épistémologiques suite aux critiques post-coloniales et aux critiques de l'eurocentrisme. Le livre réunit des contributions théoriques et des études de cas empiriques venant des quatre coins du monde, y compris de l'Inde, des Amériques, de l'Afrique du Sud et de l'Europe. Il contribue aux débats concernant les "sociologies publiques" (public sociology) et analyse les coopérations scientifiques Sud-Sud. Les contributions transcendent les critiques établies de l'eurocentrisme et ouvre de l'espace à l'idée de sciences sociales globales et à des formes de recherche véritablement transnationales.
Les Journées du patrimoine à l’université en 2014
Envoyez votre info à lactu@unistra.fr avant le mardi 4 novembre midi pour une parution le vendredi 7 novembre 2014. Consultez les dates des prochains numéros.